Naissance au Ciel de l’abbé Pierre

L’abbé Pierre, fondateur des Compagnons d’Emmaüs, est mort lundi matin 22 janvier, à l’âge de 94 ans, à l’hôpital parisien du Val-de-Grâce, où il était hospitalisé depuis le 14 janvier. L’abbé Pierre est mort cette nuit à 5 h 25 au Val-de-Grâce entouré de quelques proches, a indiqué Martin Hirsch, président d’Emmaüs France. L’infection pulmonaire pour laquelle il avait été hospitalisé après une amélioration tout au long de la semaine l’a finalement emporté.”

“Pour moi, la mort n’est pas vraiment une séparation, mais une continuation. Ce n’est pas une fin, mais un renouveau. C’est comme sortir de l’ombre pour entrer dans la lumière”. L’Abbé Pierre

* Le cercueil de l’abbé Pierre sera exposé à partir de mercredi dans la chapelle de l’hôpital du Val de Grâce.

* Ses obsèques auront lieu en fin de semaine, a-t-on précisé à Emmaüs France, où l’on a évoqué la possibilité d’une messe à Notre-Dame-de-Paris. L’abbé Pierre sera ensuite inhumé dans la plus stricte intimité à Esteville, en Seine Maritime, où le mouvement Emmaüs possède une “halte”.

* Déposez votre hommage à l’abbé Pierre à cette adresse reagissez@lefigaro.fr

* Réactions :

* « Témoignage de charité » de l’abbé Pierre, hommage de Benoît XVI
Télégramme au card. Ricard

ROME, Mardi 23 janvier 2007 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI rend hommage au « témoignage de charité » de l’abbé Pierre, décédé hier à Paris à l’âge de 94 ans (cf. Zenit du 22 janvier 2006).

Ce télégramme a été adressé par le cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone au président de la conférence épiscopale française, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, au lendemain de la disparition du fondateur de la Communauté Emmaüs (cf. http://www.emmaus-international.org).

« Informé du décès de l’abbé Pierre, le Saint-Père rend grâce pour son action en faveur des plus pauvres, par laquelle il a donné un témoignage de la charité qui nous vient du Christ », dit le message.

Benoît XVI confie le défunt « à la miséricorde divine » et « demande au Seigneur d’accueillir dans la paix de son royaume ce prêtre qui a toute sa vie lutté contre la misère ».

« En gage de réconfort et d’espérance, Sa Sainteté vous envoie de grand cœur, ainsi qu’à la famille du défunt, aux membres des communautés d’Emmaüs et à toutes les personnes réunies pour la cérémonie d’adieu la bénédiction apostolique », ajoute le cardinal Bertone.

La chaîne de télévision nationale française « France 2 » diffusera en direct l’hommage national qui sera rendu à l’abbé Pierre, lors de ses funérailles, vendredi à 11H00, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, en présence du président de la République Jacques Chirac et du Premier ministre Dominique de Villepin.

Rappelons que face aux rigueurs de l’hiver 1954 à Paris, le P. Henri Grouès, connu sous le nom de « l’abbé Pierre », « Pierre » étant son nom de résistant, a donné une tournure nouvelle à son action par son fameux « appel » du 1er février qui commençait ainsi : « Mes amis au secours! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée (…). Devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure ».

On a appelé cet appel « l’insurrection de la Bonté ». L’abbé Pierre avait demandé en vain au Parlement un milliard de francs. Trois semaines plus tard, ce même Parlement adopte à l’unanimité non pas un, mais dix milliards de crédits afin de réaliser immédiatement 12 000 logements d’urgence pour les plus défavorisés. Les jours suivants voient la création de nombreuses structures au sein d’Emmaüs : HLM (Habitation à loyer modéré, ndlr) Emmaüs, Association Emmaüs, puis SOS Famille Emmaüs en 1967.

La fondation de la première communauté d’Emmaüs datait de 1949, à la suite d’une rencontre avec un homme seul et désespéré. L’abbé Pierre lui demande de venir « l’aider à aider », l’aider à donner un logement aussi précaire soit-il, aux familles sans-logis.

A l’étranger, plus de 400 communautés furent fondées dans plus de 40 pays.

“C’EST TOUTE LA FRANCE QUI EST TOUCHÉE AU CŒUR !”
(Première réaction de Jacques Chirac – Président de la république)

* Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, a estimé que la loi instaurant un droit opposable au logement, examinée le 30 janvier au Sénat, était “la loi de l’abbé Pierre” et qu’elle devait porter son nom.

* Dalil Boubakeur salue un “homme de Dieu” voué aux “humbles”

Le recteur de la mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman, a salué lundi avec un “profond respect” la mémoire de l’Abbé Pierre, cet “homme de Dieu” qui a consacré sa vie “à la défense des humbles”. “Nous nous associons au deuil national et à la peine profonde que suscite la perte de cette grande voix qui exprime si fort le sentiment de révolte des pauvres du monde entier”, a-t-il conclu.

* Monseigneur Stanislas Lalanne : “son action source d’espérance pour beaucoup”

L’abbé Pierre était le “pèlerin des sans-droits, combattant pour la dignité”, a déclaré lundi monseigneur Stanislas Lalanne, secrétaire général de la Conférence des évêques de France, sur LCI. “Je crois qu’aujourd’hui son action va porter du fruit et être source d’espérance pour beaucoup”, a-t-il ajouté, alors que le projet de loi sur le droit au logement opposable a été présenté mercredi en conseil des ministres. “Il a passé son temps à réveiller les consciences et à réveiller les trésors de générosité qu’il y a en tout homme”, a-t-il insisté. Mgr Lalanne a souligné le caractère “absolument génial” de l’initiative des compagnons d’Emmaüs où “les plus pauvres étaient appelés à se prendre en main eux-mêmes: il a redonné la dignité à des gens qui pensaient qu’il n’y avait plus aucune issue.

Petite histoire :

* Fondation d’Emmaüs
La fondation, vraiment originale, d’Emmaüs est sortie, en droite ligne, de l’Évangile. L’idée, ce n’est pas d’abord d’assister les sans-abri, c’est de leur rendre leur dignité en les accueillant tels qu’ils sont et en les invitant à mettre leurs talents au service des plus malheureux qu’eux. Et c’est la création géniale des « chiffonniers » d’Emmaüs : non seulement la récupération, mais surtout la valorisation et la vente des objets collectés. En cinquante ans, cette idée à fait le tour du monde, et on trouve des communautés d’Emmaüs dans tous les continents, jusqu’au Japon. Le principe qui domine toutes les initiatives de l’abbé Pierre est très simple, c’est: les plus malheureux d’abord. Rappelons-nous le fameux « hiver 54 ».
Le dimanche 31 janvier, le téléphone sonne chez l’abbé Pierre,
à Paris. Il décroche et blêmit : sur le boulevard Sébastopol, on vient de ramasser une vieille femme morte de froid. Elle serrait dans sa main un papier: un papier par lequel on l’avait expulsée de sa mansarde parce qu’elle ne pouvait pas payer le loyer.
Le thermomètre est à moins vingt degrés. La météo annonce un mois de février glacial.
L’abbé Pierre se décide à tenter l’impossible. Il faut faire vite. Contre vent et marées, il réussit à lancer son appel à la radio aux informations de treize heures
– Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée cette nuit à trois heures du matin… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel. Écoutez-moi : ce matin, deux centres de dépannage viennent de se créer. Ils regorgent déjà ! Il faut en ouvrir partout.
Et il s’en ouvre partout ! Dès le ler février au soir, quatre stations de métro désaffectées sont bondées à craquer. Ensuite, ce sont les collèges, les lycées et l’Institut catholique. Les mairies, les palais de justice et les églises suivent. Chaque nuit, des centaines de bénévoles sillonnent les rues de Paris pour inviter les « crèves-dehors » à devenir des « couches-dedans ». Le cinq février, « France-soir » annonce triomphalement :
« Cette nuit personne n’a couché dehors à Paris. »
Je crois qu’en cet hiver 54, l’abbé Pierre nous a donné une grande leçon :
La bonté de Dieu est pour tous, les biens de la terre sont destinés à tous les enfants de Dieu. Et il suffit qu’ensemble, les hommes se décident à soulager la misère, pour que, avec l’aide de Dieu, tout devienne possible.
Les biens de la création sont destinés au genre humain tout entier. Le droit à la propriété privée n’abolit pas la destination universelle des biens. CEC § 2452 / 504.
Extrait page 147 du tome 2 de «Petite Histoire ou Grandes Vérités » de Pierre Lefèvre publié aux Editions Téqui.

* S’enrichir pour donner
En 1966, le Maroc avait très peu d’écoles. Des milliers d’enfants de ce pays étaient condamnés à croupir dans l’ignorance et la misère toute leur vie. L’abbé Pierre se rappelle d’un voyage qu’il fit au Maroc à cette
époque-là :
J’étais à Salé, au Maroc, et je voyais un groupe construire des écoles. Pour seulement mille dollars, on construisait une école avec des matériaux du pays.
Quand je suis rentré en France, j’ai raconté cela à nos chiffonniers d’Emmaüs. Et voilà que, quelque temps après, une des communautés d’Emmaüs m’apporte deux mille dollars en me disant:
« C’est pour ouvrir deux nouvelles écoles pour les enfants du Maroc. »
Un peu plus tard, une lettre est arrivée du Maroc, qui m’était adressée. Un ouvrier analphabète avait dicté cette lettre, sur le marché, et elle contenait ceci :
« Ça y est ! Je viens de conduire mon petit garçon à l’école. Il est assis par terre et il étudie le français, l’arabe et tout le reste que, moi, je n’ai jamais appris. J’ai écouté la première leçon du maître, et je l’ai entendu dire: Cette école a été construite avec le travail des pauvres de Paris, aussi pauvres que vous. Je suis venu trouver l’écrivain public pour qu’il t’écrive et te dise merci, et te charge de dire merci à tes camarades. Dis-leur, à tes camarades, que je crois bien que ce qu’ils ont fait là, c’est ce qu’il y a de plus grand dans toute l’histoire des relations entre nos deux pays. »
Et l’abbé Pierre se demande à propos de ses chiffonniers :
« Comment est-ce possible que des types venus de tous les horizons, de toutes races, de toutes opinions, avec parmi eux pas mal de brigands, comment peuvent-ils cohabiter paisiblement et travailler avec une efficacité professionnelle? »
Et il répond: « La clef de cette énigme est dans cette règle suprême des communautés d’Emmaüs : on ne travaille pas pour s’enrichir, mais pour donner. »
Le riche de la parabole de l’Évangile, qui voulait accumuler d’énormes récoltes, cet homme rapace n’était pas riche devant Dieu.
Comme le dit encore l’abbé Pierre :
« On n’est jamais heureux que du bonheur des autres! »
Le détachement des richesses est nécessaire pour entrer dans le Royaume des Cieux. « Bienheureux les pauvres de coeur. » CEC § 2556 / 532.
Extrait page 232 du tome 2 de «Petite Histoire ou Grandes Vérités » de Pierre Lefèvre publié aux Editions Téqui.

* Ce qui plaît à Dieu
Le film français « Hiver 54 » a immortalisé l’action de l’Abbé Pierre en faveur des sans-logis.
Son appel au secours transmis par la radio a provoqué un sursaut de générosité pour abriter. chauffer et nourrir les milliers de SDF en ce terrible hiver de 1954.
Voilà un bel exemple de l’utilisation des médias au service des plus défavorisés.
Au 19ème siècle, il n’y avait pas encore les moyens de communications audio-visuels. Il n’y avait que la presse écrite. Et pourtant, il y avait déjà des gens intelligents et courageux qui ont fait de grandes choses en se servant de la presse. C’est le cas du « Saint Vincent de Paul » de l’orthodoxie russe: saint Jean de Cronstadt.
En 1872, la misère était terrible dans cette ville portuaire de la Baltique. Le Père Jean de Cronstadt avait déjà distribué tout son maigre revenu aux malheureux. Il aurait pu alors se dire: « Voilà, je n’ai plus rien, je ne peux plus rien faire. » Mais non, il prit sa plume et il écrivit un appel enflammé pour le journal local. En voici quelques extraits :
« Qui ne connaît pas la foule des mendiants et des femmes pauvres avec enfants qui tendent la main aux passants de notre ville ? Chers concitoyens, il ne suffit pas de donner une pièce, il faut chercher à remédier aux causes de cette misère. Ces causes sont multiples : il y a, bien sûr, chez quelques-uns la paresse et l’alcoolisme, mais il y a surtout le chômage, la maladie, le manque de nourriture, de vêtements et de logements.Chers concitoyens, cela nous concerne tous. C’est pourquoi, tous ensemble, les prêtres, les militaires, les fonctionnaires, les commerçants et tous les habitants, nous devrions fonder une « Maison du Travail » où les deshérités trouveraient un abri, tout en contribuant par leur travail au bien-être de tous. »
Et le Père Jean termine son article en disant :
« Que l’énormité de ce projet ne nous effraie pas. C’est une oeuvre qui plaît à Dieu. Et quand Dieu aide, tout se fait rapidement à partir de rien ! »
Et de fait, avec l’aide d’une Confrérie de laïcs qu’il a fondée, en quelques années, le Père Jean crée une immense Cité de Secours où vingt-cinq mille sans-logis trouveront du travail, une école pour les enfants et un hôpital pour les malades.
Si Jean de Cronstadt a pu aider tant de malheureux à partir d’un article de journal, que ne pourrait-on pas faire avec les médias actuels pour aider les peuples les plus démunis à prendre en main leur avenir et à retrouver l’espoir de jours meilleurs.
L’aumône faite aux pauvres est un témoignage de charité fraternelle : elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu. CEC § 2462 / 520.
Extrait page 172 du tome 2 de «Petite Histoire ou Grandes Vérités » de Pierre Lefèvre publié aux Editions Téqui.

4ème de couverture des livres « grandes vérités, petites histoires »
Des orgueilleux et des humbles, des lâches et des braves, des rois et de petites gens, des saints et des mécréants… voici les héros de ce livre d’histoires vraies. Petites histoires, mais comme dit l’adage « les plus courtes sont les meilleures »! Les meilleures parce qu’elles vont droit au but et frappent là où elles doivent frapper. L’auteur est passé maître en la matière, et son recueil vaut tous les livres de philo. Il a même été traduit en 18 langues, y compris le coréen, le russe et le chinois. La Sagesse n’a pas de frontières…
Suite du tome 1, ce volume rassemble autant de héros ou de anti-héros, mais les vérités que ces histoires vécues mettent en lumière sont, ici, celles des dix commandements. Une excellente façon de réapprendre ce que l’Église enseigne depuis toujours. Un livre tout aussi passionnant que le premier.

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