article d’Ephraïm maria 33Absence de Dieu et sècheresse

TROISIEME JOUR DANS LE CŒUR DE JESUS
Recouvrement de Jésus au Temple
Consacrer à Marie les absences sensibles de Dieu, les sécheresses

Dieu peut-il s’absenter ?

On se souvient des sarcasmes d’Elie le prophète lorsqu’ils invectivaient les prophètes de Baal qui l’avait défié sur le Mont Carmel : « A midi, Elie se moqua d’eux, et dit : Criez à haute voix, puisqu’il est dieu, il pense à quelque chose, ou il est occupé, ou il est en voyage, peut-être qu’il dort, et il se réveillera. » (1Ro 18:27) Mais le Dieu d’Israël ne peut s’absenter ni partir en vacances, ni dormir comme il est écrit : « Voici, il ne sommeille ni ne dort, Celui qui garde Israël. (Ps 121, 4). Les disciples paniqueront quand ils verront Jésus endormi dans le barque comme si la vigilance de Dieu était prise en défaut. De cet épisode évangélique nous pourrions conclure que la foi nous commande de croire que quelques soient les apparences le Seigneur veille.
Si Dieu s’éloignait un tant soit peu de sa création elle s’effondrerait. Qu’il retire son souffle, c’est-à-dire son Saint-Esprit et les créature expire comme dit encore le psaume. Il peut y avoir apparence d’absence mais jamais absence. Nous devons prendre conscience de la présence de Dieu au cœur de sa création, dans nos vies et louer pour le don de la vie, pour l’existence qui procède de son être. Même quand nous ne le sentons pas, il est à l’œuvre et nous pouvons contempler la nature et les mystères de la vie pour quand même lui adresse une louange.
Mais quand il nous semble qu’il est absent que passe-t-il ?

Les sens et le sens

En fait nous n’avons que nous sens pour percevoir la présence de Dieu. Il peut se communiquer à nous d’une manière secrète, dans le saint de nos êtres mais nous n’en prenons conscience que lorsque sa grâce déborde de ce lieu caché dans notre conscience d’exister, dans notre psychisme. C’est une évidence que nous avons du mal à admettre parce que nous voudrions vivre du spirituel à l’état pur. Or aucune grâce, aucune communication de l’Esprit ne peut être perçue et vécue « chimiquement » pur. Le fait de s’incarner produit un mélange. Nous disons pendant le lavabo : comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance puissions être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. Et comme le disent plusieurs Pères : le Christ s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. En attendant que nous soyons dans la vision béatifique où nous serons semblables à Lui, Dieu ne cesse de nous rejoindre dans notre humanité pour l’attirer à lui. Ce mélange est voulu par Dieu, ne faisons pas d’angélisme, ni de fidéisme Dieu n’a que notre humanité pour se laisser vivre en nous. Nous n’avons consciences d’êtres au monde que par nos cinq sens comme nous ne pouvons nous prendre conscience de vivre en Dieu que par nos cinq sens. Qu’un seul sens nous manque comme l’ouïe, par exemple, et notre conscience du monde en est modifiée, elle cherchera à compenser ce qui lui manque en développant les autres sens. Ils communiquent entre eux par une synesthésie qui nous fait croire que nous possédons un cinquième ou un sixième sens, mais comme les couleurs primaires se combinent à l’infini ainsi nos cinq sens sont-ils capables d’une variété illimités de perceptions. Certains diront alos qu’est-ce que la foi ? N’est-elle pas aveugle ? Il faudrait ajouter sourde et muette pour exprimer qu’elle n’est pas de l’ordre sensoriel ! La Bible elle-même affirme qu’elle est une capacité de voir ce qui n’est pas encore. Nos substituons souvent la foi à une opinion intellectuelle alors qu’elle est une vertu, une force que nous éprouvons. Dans la nuit de la foi nous sommes livrés à la froideur de notre intelligence, la foi est, au contraire, chaleureuse. Les neurosciences ont mis en évidence le fait que les concepts les plus abstraits ont besoin d’émotions pour demeurer dans notre mémoire, c’est-à-dire qu’ils sont traduits en termes sensoriels. L’intelligence est aussi appelée entendement c’est-à-dire capacité d’entendre. Ce sont les sens qui donnent sens à notre vie.
Dans la nuit des sens nous perdons le sens de la vie ce qui se traduit souvent par des symptômes dépressifs qui sont douloureux. Dans la théologie mystique de saint Jean de la Croix on parle de la Noche del sentido, de la nuit du sens. Autrement dit si nous ne percevons plus Dieu par nos sens plongés dans l’obscurité, nous perdons non seulement le goût de Dieu mais aussi le goût de vivre. C’est d’ailleurs un critère de discernement, celui qui est dans une nuit spirituelle ne peut trouver de consolation dans les choses du monde.

Les sécheresses

Il est clair que notre vie spirituelle ressemble souvent à un désert où nous rencontrons des oasis ou à un pays florissant parsemé de lieux désertiques. Il faut dire que toute vie spirituelle est un chemin, un itinéraire, un chemin où nous parcourons les mystères joyeux, douloureux et glorieux. Il est nécessaire de reconnaître que Dieu éduque son peuple par un cheminement dans le désert, par la jouissance de la terre promise et par les exils, par les départs et par les arrivées. Il est donc normal que nous connaissions des moments de grandes bénédictions et des temps d’aridité, cela fait partie de la pédagogie divine. Nous avons besoin de consolation mais aussi d’entraînement quasi militaire, de corrections telles que des fils aimés en méritent. Quand nous vivons ces moments difficiles il est bon de les remettre à la Vierge, de lui demander d’intercéder pour nous. Ses amis en effet perde rarement sa présence mais nous reviendrons sur ce sujet.
Pourtant les sécheresses ne sont pas toujours l’initiative de Dieu. Nous confondons fréquemment sécheresse et paresse ! Je me souviens d’une personne qui après avoir rompu des vœux religieux était retournée dans le monde qui est plus exigeant que Dieu avec ses serviteurs. Après un certain nombre d’années elle voulut se réconcilier avec la vie spirituelle. Nous avons fait une retraite ensemble, une immersion dans la prière. Les premiers jours elle se sentait incapable de prier, disant qu’il n’y avait que sécheresse dans son cœur, puis, petit à petit lui vint l’image d’une source qui donnait d’abord une eau boueuse et s’éclaircissait peu à peu pour enfin laisser place à une eau limpide, abondante et joyeuse. Le goût de Dieu était revenait. Il est clair que l’appétit vient en mangeant, moins on prie et moins on a envie de prier et plus on prie et plus le désir grandit de l’intimité avec les personnes divines. Nos sécheresses sont la plupart du temps le fruit d’un refroidissement, il faut alors réamorcer la pompe sinon comme le disait Thérèse d’Avila, nous risquons de mourir de soif à côté du puits. Nous avons la corde, nous avons le seau mais nous ne faisons rien pour puiser et nous désaltérer. Dieu n’est pour rien dans notre état. Ce qu’il a donné une fois, il l’a donné pour toujours, il suffit de faire mémoire, de célébrer ses bienfaits, ses passages dans notre vie pour les actualiser. Le chant des psaumes constitue une aide efficace pour rafraîchir ce que saint Augustin appelle la memoria dei, le souvenir de Dieu que nous n’aurions pas du perdre. Le Livre des psaumes contient toute l’expérience de l’homme au prise avec son humanité et au prise avec Dieu. Bien heureux l’homme qui médite la Loi du Seigneur jour et nuit, il est comme un arbre planté au bord des eaux et jamais son feuille ne se dessèche !

La purification des sens

Comme nous l’avons dit, nous ne possédons que nos sens pour communiquer avec Dieu. Il nous faut donc comment l’a dit et expérimenté saint Ignace de Loyola dans ses Exercices, « appliquer » nos sens aux mystères divins. Cependant nos sens sont marqués par le péché originel et nous servent à commettre le péché, le goût nous conduit à la gourmandise et à la gloutonnerie, la vue à la concupiscence du regard, le toucher à la sensualité égoïste, l’ouïe à l’accueil des médisances etc. Dieu se laisse percevoir d’abord d’une manière « grossière » mais il veut d’avantage pour nous. Ses communications ne sont pas sans perturber nos sens, sa lumière n’a rien de commun avec celle qui d’habitude éclaire notre perceptions des choses du monde, aussi lorsqu’elle se lève en nous, son éclat grandit et nous aveugle. La nuit ne vient pas de ce l’astre du jour s’est retiré mais de ce qu’il nous aveugle. Là encore nous ne pouvons pas parler d’absence de Dieu mais d’une trop forte présence. Ceux qui connaissent ces états de purification ont l’impression et même la certitude d’une absence totale.
Remettre les purifications à Marie nous donne beaucoup plus de patience et nous permet de collaborer d’avantage à notre sanctification. Elle nous communique son total abandon et cette « passivité » dont parle saint Jean de la Croix dans les actes anagogiques c’est-à-dire dans des mouvements d’abandon confiants, dans des actes de foi. Je me souviens d’une religieuse qui avait perdu depuis plusieurs années la présence sensible de Dieu, elle était dans une grande sécheresse et même dégoût de la vie spirituelle qui se traduisait par des troubles gastriques importants. Elle était incapable de dire son chapelet, pourtant elle avait découvert d’elle-même la valeur des actes anagogiques : elle serrait de temps en temps son chapelet dans sa poche et disait « Seigneur je ne sais plus où tu es et qui tu es mais considère que chacun des battements de mon cœur te dit je t’aime. »
La Vierge est d’habitude encore présente dans cette phase de purification mais on ne la perçoit plus du tout dans la nuit passive de l’esprit. En effet elle ne peut s’opposer à la volonté de Dieu dans cette refonte ontologique qu’est cette épreuve que seuls connaissent un petit nombre. A titre indicatif j’ai constaté que dans une communauté religieuse contemplative seul 20 % de ses membres traversait cette terrible nuit que connut Thérèse de Lisieux.

La leçon du recouvrement

Un jour un rabbin thaumaturge (tsaddik) au XVIII ème siècle sortit dans la cour de sa maison et il vit des enfants qui jouaient à la cachette. Un petit n’arrivait pas à retrouver les autres qui s’étaient bien cachés, alors le rabbin éclata en sanglots. Ses disciples l’interrogèrent et il répondit : je pleure parce que c’est ainsi que Dieu agit avec ses enfants, nous le cherchons dans l’angoisse.
Cette parabole n’est pas sans rapport avec le mystère du recouvrement de l’Enfant-Jésus au Temple. Marie et Joseph savent qui est Jésus, qu’il est le fils de Dieu et qu’ils en ont la garde, ils se sont totalement dédiée à la tâche qui leur a été confiée et se réjouissent de la collaboration divine. Et puis soudain ils ne comprennent plus, comme si Dieu avait changé d’idée ! Ils savent au fond d’eux-mêmes que l’Enfant ne leur appartient pas : « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? » mais ils sont surpris, déconcertés par la soudaineté de l’irruption du bon vouloir divin qui seul connaît les temps et les moments. Cette affirmation de Marie en témoigne : « Quand ses parents le virent, ils furent saisis d’étonnement, et sa mère lui dit : Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Voici, ton père et moi, nous te cherchions dans l’angoisse. » (Lc 2, 48) Dès que l’épreuve survient parce que Dieu a décidé d’un changement, d’une évolution voire d’une mutation dans nos vies nous sommes comme Job et nous nous écrions : « Pourquoi agis-tu de cette manière avec moi ? » L’incompréhension s’accompagne d’une angoisse, d’une grande douleur intérieure, parce que nous avons perdu nos points de repère spirituels. Ce qui était juste et bon jusqu’alors est totalement remis en cause. Cela signifie que Dieu s’occupe de nous et qu’il veut que nous allions plus loin. Saint Bernard a dit que Dieu se cache pour que nous le cherchions plus loin, plus profond. Nous sommes sevrés du lait des consolations quand nous devons passer à des nourritures plus solides qui nous paraîtront d’abord parfaitement indigestes. Notre Mère ne peut empêcher que nous passions du lait au sang comme l’a si bien compris Thérèse quand elle dit que le lait virginal de la Vierge c’est la sang de l’eucharistie et du martyr, mais elle peut nous aider parce qu’elle est passée par ces souffrances qu’elle a vécu d’une manière parfaite.

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